Patrimoine normand

1423-1434, l'héroïque résistance des chevaliers du Mont Saint-Michel

Vendredi 4 Janvier 2008
1423-1434, l'héroïque résistance des chevaliers du Mont Saint-Michel

Vue aérienne du Mont montrant les remparts. De droite à gauche : la Tour du Nord (1256), Bastillon de la Tour Boucle (1481), Demi-Lune, Tour Basse (1731), Tour de la Liberté (© Éditions Le Goubey).


Extrait Patrimoine Normand n°04.
Par Georges Bernage.

 

Nous allons maintenant aborder les trois niveaux de ce site : l’enceinte confiée aux chevaliers, la ville confiée aux bourgeois et l’abbaye à ceux qui prient. Là sont réunis les trois ordres de l’Europe médiévales et, devant nous, le Mont est en grande partie conservé tel que l’ont vu les pèlerins de la fin du XVe siècle.

Nous avons tout d’abord devant nous l’enceinte presqu’intacte du Mont, dans son état général de la fin du XVe siècle. Cent ans plus tôt, vers 1390, elle n’existait pas encore. C’est ce que nous montre la miniature des Très Riches Heures du Duc de Berry représentant le Mont et qui date de cette époque. Il y a alors une suite de grands murs de pierre sur lesquels s’appuient les maisons dont les pignons dépassent en encorbellement. Mais nous somme en pleine Guerre de Cent Ans et le Mont Saint-Michel est un enjeu important.

La plus grande partie de la Normandie est aux mains des Anglais. A cette époque, l’abbé est Robert Jolivet. En 1417, il commence a édifier « les murs et quelques tours qui ferment la ville… au lieu des pallis de bois qui estoient auparavant pour servir d’enceinte de la ville ». (Dom le Roy). Il va lancer cette enceinte à partir d’éléments existant déjà vers le haut du mont et en particulier la Tour du Nord. Rappelons aussi que l’abbaye a été renforcée avec la construction de son puissant châtelet en 1393. Dom Le Roy précise que ces remparts et tours sont dressés « par l’ordre et fraicts de l’abbé et des moynes ». Mais le Roi Charles VI soutient aussi ces efforts ; en 1418, il octroie à l’abbé une somme de 1500 livres tournois pour payer les gens d’armes et de trait de la garnison. Cependant, la guerre se profile et, outre les défenses extérieures, le ravitaillement en eau est essentiel. En 1418, une grande citerne a été creusée « en roche vive » derrière l’abside de l’abbaye ; la fontaine Saint-Aubert, seul point d’eau jusqu’à présent, étant insuffisante.

Le Mont Saint-Michel. Les Très riches heures du duc de Berry. XIVe (Les Très Riches Heures du duc de Berry, manuscrit conservé au musée Condé à Chantilly, sous la cote Ms. 65. Voir miniature Le Mont Saint-Michel dans La Fête de l'Archange, f.195 - DR).
Le Mont Saint-Michel. Les Très riches heures du duc de Berry. XIVe (Les Très Riches Heures du duc de Berry, manuscrit conservé au musée Condé à Chantilly, sous la cote Ms. 65. Voir miniature Le Mont Saint-Michel dans La Fête de l'Archange, f.195 - DR).

Mais, en 1420, l’abbé Jolivet rejoint le camp du roi d’Angleterre. Le « nationalisme » n’est pas alors une notion du temps (il ne va commencer à prendre corps qu’avec Jeanne d’Arc) et le Roi Henri V tient toute la Normandie (sauf le Mont…), sous l’autorité de son frère, le Duc de Bedford. Un an plus tard, le 20 septembre 1421, nouveau revers pour l’abbaye, le chœur roman s’écroule. Jean Gonault, vicaire général, remplace l’abbé Jolivet. Mais, pour faire face au risque d’invasion anglaise, le Mont est passé sous l’autorité d’un grand seigneur normand : Jean d’Harcourt. En cette année 1421, vingt hommes d’armes, deux chevaliers bannerets, deux chevaliers bacheliers et seize écuyers sont installés au Mont. La menace se précise. En 1423, les Anglais sont installés sur Tombelaine ; l’écuyer normand Laurent Haulden y commande trente hommes d’armes et quatre-vingt-dix archers ! Les Anglais ont aussi une garnison à Avranches et disposent d’une place fortifiée à Genêts et d’une bastille de bois à Ardevon : le mont est encerclé. Le 30 juillet 1423, à Mantes, le nouveau Roi d’Angleterre, Henri VI, exige la reddition de « la place, forteresse et église du Mont Saint-Michel ».

Le siège commence en 1424, les Anglais ont reçu 130 hommes d'armes en renfort et, à partir de mars 1425, une flotte anglaise (comprenant vingt navires) vient appuyer la garnison établie sur Tombelaine. Le blocus est complet mais, entre temps, la garnison du Mont a été renforcée.

Le capitaine du Mont est Dunois, représenté sur place par son lieutenant Nicole Paynel, un baron du Cotentin. Et les Montois tentent un coup de main : en mai 1425, Nicolas Burdett, bailli du Cotentin qui organisait le siège est capturé ! Les Anglais renforcent le blocus et ont même pris Robert Jolivet comme conseiller. Ils alignent cent hommes d'armes et trois cents archers sous les ordres de William de la Pole. Au Mont, la famine se profile quand le Duc de Bretagne et les habitants de Saint-Malo viennent briser le blocus avec leurs navires et ravitailler les assiégés. Les Montois et le Roi de France ont remporté une première victoire. Le prestige de l'archange Saint Michel est immense, il a amené à la France la victoire sur les Anglais...

Bombardes du Mont-Saint-Michel (© Georges Bernage).

Bombardes du Mont-Saint-Michel (© Georges Bernage).

C'est alors qu'un autre grand chef militaire va prendre le commandement de la garnison du mont ; il marquera le site de manière durable - Louis d'Estouteville est confirmé dans ses fonctions le 26 octobre 1425 par le Roi Charles VII. C'est vers cette époque (1427) aussi que les défenseurs du Mont vont placer leurs blasons dans l’un des transepts de l'église abbatiale. Louis d'Estouteville va renforcer les fortifications, doublant l'épaisseur de certaines parties du mur, rajoutant des tours.

En 1433, une nouvelle attaque est lancée contre le Mont ; un incendie se déclare dans la cité, les remparts sont endommagés, de nombreuses habitations ont été détruites. Le Montois sont découragés. Les Anglais profitent de la situation, arrivant en grand nombre avec du matériel de siège ouvrant une brèche dans le rempart prenant pied dans la cité. Mais le piège se renferme sur eux, ils sont repoussés et la grève sera jonchée de cadavres anglais. Et, en ce 17 juin 1434, les Anglais abandonnent deux bombardes. Appelés miquelettes ou michelettes, elles seront placées en trophées dans l'avancée, à l'entrée de la place forte.

Dans la mairie du Mont Saint-Michel, un cadre rappelle le souvenir des chevaliers qui ont défendu le Mont pendant la Guerre de Cent Ans (DR).

Dans la mairie du Mont Saint-Michel, un cadre rappelle le souvenir des chevaliers qui ont défendu le Mont pendant la Guerre de Cent Ans (DR).

En 1450, la guerre de Cent Ans se termine, les Anglais quittent la Normandie après avoir été écrasé une dernière fois à Formigny. Le Mont Saint-Michel avait, par deux fois, fait preuve d'une héroïque résistance contre un ennemi bien supérieur en nombre. La plupart des chevaliers normands qui le défendaient avaient dû fuir le continent, ils avaient bien souvent été spoliés de leurs terres pour avoir refusé l'allégeance au Roi d'Angleterre. Ils portaient des noms célèbres en Normandie : Paisnel, d'Estouville, de Briqueville, de Colombières, de Percy, de Tournebu, Thésard, Aux Epaules, de Thorigny, du Homme, de Tilly, de Sainte-Marie, etc. Cette résistance héroïque allait avoir un retentissement énorme dans toute la France. Le prestige de l'Archange en sortit renforcé, d'autant plus qu'il avait été associé au combat de Jeanne d'Arc. Les pèlerinages allaient encore gagner en intensité. Et, le 1er août 1469, Louis XI créait l'ordre de Saint Michel et allait placer la France sous sa protection.

 

EXTRAIT DU DOSSIER " LE MONT SAINT-MICHEL" (publié dans Patrimoine Normand n°04).

» Le Mont Saint-Michel
» L'héroïque résistance des chevaliers du Mont
» L'ordre de Saint-Michel
» La forteresse
» La belle histoire d'Annette Poulard
» La ville

» L'église Saint-Pierre
  
» L'abbaye 
» La merveille
» L'église abbatiale et la vie spirituelle
» Les imaginaires du Mont Saint-Michel

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