Patrimoine normand

Saint-Lô avant la Seconde Guerre mondiale

Jeudi 31 Janvier 2008
Saint-Lô avant la Seconde Guerre mondiale

La Vire près du déversoir, au nord-ouest au pied de l’Enclos. Des lavoirs sont installés tout du long de la rivière. (Fond des cartes postales anciennes, Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)


Extrait Patrimoine Normand n°31.
Par Isabelle Audinet.

 

La destruction de Saint-Lô en 1944 fut sans conteste l’une des plus importantes pertes pour le patrimoine de Normandie : perte de trésors d’architecture, perte aussi des archives qui brûlèrent. Du Saint-Lô d’autrefois ne restent que quelques traces éparses, mais les archives, reconstituées au prix de longues recherches, permettent de se remettre en mémoire ce que fut cette ville. Nous allons partir ici à la découverte des rues et des ambiances disparues, grâce aux vues anciennes (cartes postales, lithographies, peintures et dessins) réunies aux archives de Saint-Lô.

Saint-Lô - le quartier Saint-Georges, une des rares parties anciennes encore en place. (Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)
Saint-Lô - le quartier Saint-Georges, une des rares parties anciennes encore en place. (Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)

Petit historique de Saint-Lô

Peu connue, mal connue, l’histoire de Saint-Lô ne paraît pas se perdre dans le temps. Légendes et « on-dit » rapportent des faits miraculeux, des vies d’hommes vénérables ou des actes terribles. Il semblerait cependant que la ville de Saint-Lô n’ait pas de réalité sûre avant le XIe siècle. Son nom même n’apparaît que tardivement (fin du VIIIe siècle début du IXe siècle), provenant de l’évêque Lô ou Laud qui y installa sa résidence (l’évêché est à Coutances). Le lieu était autrefois appelé Briovère, de Brio (le Pont) et Vère (Vire, rivière coulant au pied de l’éperon). Les Gaulois désignaient vraisemblablement un lieu de passage, autour duquel s’étaient peut-être déjà regroupés quelques habitants. Les très faibles traces qui nous sont parvenues de cette époque ne nous laissent pas entrevoir une implantation plus vaste. C’est au VIe siècle que l’agglomération, quelle qu’elle fut, acquiert une plus grande envergure. En 523, Laud ou Lô, alors dit-on âgé de 12 ans, devient évêque de « Coutances et de Briovère » (Concile d’Orléans en 549). Briovère, plus tard Saint-Lô, n’a jamais été siège d’évêché. Elle a simplement constitué le centre d’une baronnie possédée par les évêques de Coutances, possession qui remonterait selon la tradition à Lô. Une autre tradition veut que le tombeau de ce saint se trouve à l’abbaye Sainte-Croix et que les habitants, par respect pour cet évêque si saint qu’il fut canonisé, donnèrent son nom à la ville. L’histoire n’a apparemment rien retenu avant l’arrivée de Charlemagne, et là encore, rien n’est sûr. Charlemagne visitant la région aurait compris le danger que représentait la proximité de la mer. Craignant les envahisseurs, il aurait fait construire les premiers remparts sur l’éperon. Cent ans plus tard environ, les premiers envahisseurs venus du nord, de retour de raids en Champagne et Bourgogne, assaillent Saint-Lô. Mettant le siège au pied des remparts, rompant un aqueduc apportant l’eau aux habitants, ils obligent ces derniers à se rendre et les massacrent à leur sortie. Parmi eux se trouve l’évêque de Coutances. Plusieurs auteurs témoignent du siège, dont Réginon, abbé du IXe siècle, ou l’Annaliste de Metz, ou bien encore des annales historiques. On ne parle plus de Saint-Lô pendant plusieurs siècles, jusqu’au XIe siècle. Ce siècle constitue, peut-être plus en Normandie qu’ailleurs, en raison des destructions normandes antérieures, une période de renouveau urbain. Nombre d’agglomérations, ou de bourgs, sont fondés à cette période, ou bien prennent suffisamment d’importance pour être mentionnés dans les textes (entre 1025 et la fin du siècle) : Bayeux, Rouen, Dieppe, Fécamp, Cherbourg, Valognes, Caen, Falaise, Argentan, Alençon et Saint-Lô (au milieu du XIe siècle). Saint-Lô est une création épiscopale, l’évêque Robert Ier (évêque de Coutances de 1025 à 1048) l’ayant relevé de ses ruines. Les remparts, le château épiscopal sont reconstruits, ainsi qu’une chapelle castrale Sainte-Marie, qui ne fut entièrement détruite qu’en 1754. Cette chapelle castrale, d’abord vouée aux évêques et autres membres du château, fut élevée au rang d’église paroissiale assez rapidement. Un texte de 1056 mentionne une seconde paroisse, la paroisse Saint-Lô nommée plus tard Sainte-Croix (1297), située en dehors des remparts. À la fin du XIIe siècle, trois édifices religieux sont connus à Saint-Lô : Notre-Dame, Saint-Lô et Saint-Thomas. La population augmente apparemment de manière conséquente aux XIIe et XIIIe siècles, puisque la chapelle Notre-Dame devenant trop petite, la construction d’une nouvelle église est alors envisagée. Elle ne débutera en réalité qu’à la fin du XIIIe siècle, le nouvel édifice devant être implanté à côté de la chapelle Notre-Dame sur des parcelles déjà loties. Les expropriations sont alors longues. Séjour des évêques de Coutances, Saint-Lô attire population, commerces, artisans..., et donc s’étend. La ville devient aussi un enjeu politique et intervient dans de nombreux conflits qui lui coûteront beaucoup. Les conflits « franco-anglo-normands » tout d’abord, avec en 1142 la soumission de Saint-Lô à Geoffroy Plantagenêt, mari de Mathilde l’Emperesse dans le conflit qui les a opposés à Étienne de Blois pour la succession d’Henri Ier Beauclerc, roi d’Angleterre et duc de Normandie.

Reconstitution du plan de Saint-Lô avant 1944 par Monsieur D. Almy. (© Coll. Patrimoine Normand.)

Reconstitution du plan de Saint-Lô avant 1944 par Monsieur D. Almy. (© Coll. Patrimoine Normand.)

En 1204, Philippe-Auguste rattache Saint-Lô au royaume de France, comme les autres villes normandes. La tourmente de la Guerre de Cent Ans aussi la touche à plusieurs reprises, pillée en 1346, rançonnée... En 1418, en se rendant au duc de Gloucester, la ville et ses habitants entament une période d’occupation de 32 ans. En 1449, la ville est enfin reprise par les Français. La Guerre de Cent Ans en Normandie s’achève en avril 1450 à Formigny, sans que Saint-Lô ne soit de nouveau menacée. Elle ne le sera que quelques années plus tard, en 1467, lorsque les velléités bretonnes s’acharneront sur elle, vite arrêtées cependant par les bourgeois de la ville : les Bretons seront piégés et massacrés. La paix s’installe alors pour quelques années. Ville forte, Saint-Lô est aussi un lieu où la culture est appréciée. Une bibliothèque est ainsi créée par les habitants de Saint-Lô, le 28 mars 1471, sur l’initiative de Jean Boucard (évêque d’Avran­ches) et Maître Ursin Thiboult. À partir de 1562, pendant les guerres de Religions qui vont durement frapper Saint-Lô et sa région, sont imprimés les premiers ouvrages, Le Nouveau Testament (ouvrage protestant), les Psaumes de David. La ville est aux mains des Protestants à l’origine des nombreuses dépravations sur l’église Notre-Dame notamment, en 1562, puis en 1574 de nouveau, année pendant laquelle la ville est assiégée de mai à juin par les troupes françaises du maréchal Matignon. Les pertes sont énormes, tant pour la population qui fait face à l’assaillant, que pour la ville elle-même. Les fortifications ne sont relevées qu’en 1576 par ce même Matignon, à qui vient d’être cédée la baronnie de Saint-Lô. La fin des Guerres de Religions marque d’ailleurs un renouveau pour Saint-Lô qui est reconstruite et acquiert de nouveaux « pouvoirs » : reconstruction des remparts, de l’église Saint-Thomas, poursuite du chantier de l’église Notre-Dame, cons­truction du couvent des Pénitents, fondations du collège, du couvent des Nouvelles Catholiques, du Bon Sauveur ; Saint-Lô devient également centre d’une vicomté, elle reçoit des reliques de saint Laud... Les XVIIe et XVIIIe siècles apparaissent donc comme deux siècles d’expansion culturelle, religieuse et économique, ce que ne dément pas son désenclavement en 1761 par l’ouverture de la voie Paris - Saint-Lô - Cherbourg.

Vue de la Poterne, entièrement couverte de lierre. Située à l’ouest, elle fait face à la Vire et au pont qui l’enjambe. (Carte postale Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)
Vue de la Poterne, entièrement couverte de lierre. Située à l’ouest, elle fait face à la Vire et au pont qui l’enjambe. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô ; Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)
Vue de la Poterne, entièrement couverte de lierre. Située à l’ouest, elle fait face à la Vire et au pont qui l’enjambe. (Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)

Après la Révolution, Saint-Lô, devenue un temps « Le Rocher de la Liberté », est élevée au rang de chef-lieu de département. Le premier préfet est nommé le 2 mars 1800. La ville ne cesse d’être alors équipée d’édifices liés à ses fonctions administratives (préfecture, tribunal, prison). D’anciens édifices (comme l’abbaye), la citadelle sont abattus, parfois pour être reconstruits plus grands ou au goût du jour. Les transports sont aussi développés, chemin de fer, tramway... En entrant dans l’ère industrielle, les habitants opèrent de véritables changements physiques à Saint-Lô. Cet élan sera malheureusement anéanti, une fois de plus, comme chacun sait, le 6 juin 1944 pour des raisons stratégiques. Comme à chaque destruction passée, les habitants ont relevé Saint-Lô de ses ruines. Et s’il ne reste presque rien du Saint-Lô d’avant juin 1944, quelques édifices épars, le travail acharné des historiens, archivistes et de la population a rassemblé des témoignages photographiques, conservés aux archives. 35 000 cartes postales qui sont là pour nous rappeler le Saint-Lô du début du XXe siècle.

Il serait vain de chercher à faire correspondre les plans anciens avec l’actuel plan de Saint-Lô. Les destructions ont entraîné une refonte, volontaire, des rues pour « aérer », « faire respirer » la ville, la recréer, et replacer certaines des vues anciennes est difficile. Nous allons néanmoins tenter ici de vous présenter les quartiers, les édifices et les rues importantes du Saint-Lô ancien. Les documents utilisés (des cartes postales anciennes) font que l’on décrit le Saint-Lô des années 1900-1930.
 

L'enclos

Situé sur l’éperon de confluence de trois rivières (la Vire, le Torteron, la Dollée), entouré par les remparts (d’où son nom), il s’agit du centre de la ville. À ses pieds et sur les hauteurs environnantes s’étendent les faubourgs.
 

Les remparts

Erigés pour la première fois, si l’on en croit Toustain de Billy, au VIIIe-IXe siècle par Charlemagne, les remparts ont été maintes et maintes fois repris après les destructions des divers conflits. Cachés par les habitations avant 1944, ils apparaissent maintenant nettement, même si la citadelle (à l’est de l’Enclos) et des tours ont été détruites depuis le début du XIXe siècle. La tour de la Poudrière, dernier vestige de la citadelle, est encore en place, la Poterne à l’ouest et le mur courant autour de l’éperon aussi. L’enceinte possédait au xviiie siècle deux portes, l’une au nord (La Porte Dollée), l’autre au Sud (la Porte Torteron). Une troisième porte existait à l’est, mais elle fut bouchée pour faire place à la citadelle de Matignon au XVIe siècle. Un fossé profond barrait l’éperon au pied de la citadelle. En avant des portes nord et sud avaient été érigées des avant portes protégeant les ponts-levis. Des rampes très raides conduisaient à ces portes, rue Torteron avec le Grouais et rue de la Porte Dollée.

Cette vue ancienne montre bien que les remparts étaient entièrement cachés par les maisons. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) Les remparts aujourd'hui. (Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)

Cette vue ancienne montre bien que les remparts étaient entièrement cachés par les maisons. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô ; Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)

LES Rues

Difficile de nos jours de retrouver les petites rues qui couraient dans l’Enclos. Si l’on examine un plan ancien, on observe deux types d’espaces qui occupaient l’Enclos. À l’ouest, face à Notre-Dame, de petites rues, orientées est-ouest, bordées de maisons mitoyennes en pans de bois ou en schiste, serrées et de taille peu importante. Des nobles, des gens de robe y côtoient des artisans et des petits commerçants (cordonniers, épiciers, orfèvres et hôtelleries). Au XVIIIe siècle, trois grandes halles étaient installées face à l’église Notre-Dame.

À l’est, des ensembles plus vastes apparaissent, occupés par l’ancienne résidence épiscopale (le château appartenant aux évêques de Coutances jusqu’au XVIe siècle, date à laquelle il passe entre les mains des Matignon), la citadelle... Ces ensembles seront remplacés au XIXe siècle par les bâtiments administratifs (préfecture, prison, palais de justice, archives...). De nos jours, les espaces sont inversés, les bâtiments administratifs ayant été reconstruits au bout de l’éperon, à l’ouest, ce qui permet ainsi d’élargir la ville vers l’est sans contrainte.

La place Notre-Dame, située devant l’église Notre-Dame, un jour de marché. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) La rue Thiers. Elle aboutissait sur la place Notre-Dame, face à l’église. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)
La place Notre-Dame, située devant l’église Notre-Dame, un jour de marché. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô ; Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.) La rue Thiers. Elle aboutissait sur la place Notre-Dame, face à l’église. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô ; Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)
La place Notre-Dame aujourd'hui (Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.) La même vue aujourd'hui (Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)

Notre-Dame

L’église Notre-Dame fut construite en plusieurs campagnes s’étalant de la fin du XIIIe siècle à la première moitié du XVIe siècle. Elle ne prend en aucun cas la place de l’ancienne chapelle castrale Sainte-Marie qui ne fut détruite qu’au XVIIIe siècle. L’église est conçue selon un plan très simple, un vaisseau prolongé par un choeur sans transept, mais que les différentes campagnes de construction, espacées sur trois siècles, ont fait évolué.

Les travaux de la nouvelle église débutèrent à la fois par le choeur et par la tour nord et la travée qui l’accompagnait. Le choeur n’est pas celui que l’on voit actuellement, mais un autre, qui apparaît en « fantôme » dans le désaxement du chœur actuel et de la nef et des traces d’anciens voûtements. Il possédait, toujours selon les traces encore visibles, un chevet plat. La nef fut élevée entre le choeur (ancien) et la tour nord, au début du XVe siècle. Les projets d’origine furent changés, la nef étant plus large que prévue et déportée vers le sud là où la place était libre. Le collatéral fut achevé vers 1425. La tour sud est plus tardive puisqu’elle est datée de 1464. Même si elle fut conçue comme la tour nord, le style plus flamboyant accusait les périodes de constructions différentes. Le style flamboyant fut surtout utilisé dans le choeur et le chevet érigés sous Geoffroy Herbert, évêque de Coutances de 1479 à 1510 et qui fit construire la cathédrale de Coutances. Des similitudes entre les deux choeurs sont d’ailleurs observables. En 1543-1544 fut terminé le collatéral nord de la nef. L’église ne fut achevée qu’au XVIIe siècle par les parties hautes du choeur et les flèches des tours. Cette description ne correspond malheureusement plus à l’édifice actuel, éventré lors du bombardement du 6 juin 1944, et qui fut sauvé en partie de la destruction définitive par l’architecte en chef des Monuments historiques de l’époque, M. Froidevaux.
 

L’Hôtel de ville avec au fond l’église Notre-Dame. Il fut construit au XIXe siècle par l’architecte Doisnard. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) 

L’Hôtel de ville avec au fond l’église Notre-Dame. Il fut construit au XIXe siècle par l’architecte Doisnard. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)

Vue du Palais de Justice, longé par la rue Carnot. Le palais date de 1823, conçu par Van Cleen-Put, selon un type classique à portique. La prison était derrière, sur les anciens remparts. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) 

Vue du Palais de Justice, longé par la rue Carnot. Le palais date de 1823, conçu par Van Cleen-Put, selon un type classique à portique. La prison était derrière, sur les anciens remparts. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)

Les édifices publics

Avant le XVIIIe siècle, l’Enclos accueillait encore des édifices liés aux périodes médiévales, la citadelle, le château des évêques de Coutances. À partir de la Révolution, le système républicain s’imposant et Saint-Lô devenant chef-lieu de département, sont construits des édifices publics tels que l’Hôtel de ville, la Préfecture, le tribunal, la prison, tous édifices du XIXe siècle, complétés par les archives, puis le musée et le théâtre en dehors de l’Enclos. Les architectes se sont inspirés de l’Antiquité classique ou de l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles pour concevoir leurs bâtiments (comme un peu partout ail­leurs). C’est ainsi que le tribunal possède un portique à colonnes et des frontons, que les façades de l’Hôtel de ville et du théâtre sont animés de pilastres, colonnes et bossages. Ces édifices ont tous eux aussi disparus en 1944.
 

La place Notre-Dame. Nous tournons le dos à l’église et faisons face ici aux maisons qui la bordent. On aperçoit la Maison Dieu en pan de bois, au centre. A gauche s’ouvre la place des Beaux-Regards qui s’achève sur le rempart. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) 

La place Notre-Dame. Nous tournons le dos à l’église et faisons face ici aux maisons qui la bordent. On aperçoit la Maison Dieu en pan de bois, au centre. À gauche s’ouvre la place des Beaux-Regards qui s’achève sur le rempart. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)

Les édifices privés

Les édifices privés sont malheureusement plus difficiles à percevoir que les édifices publics, dont les plans et des dessins nous sont parvenus. Certaines des maisons, plus spectaculaires, ont cependant été décrites, comme la Maison Dieu, particulièrement belle, ou bien la Maison de Jean Dubois, édifice du XVe siècle en pans de bois à encorbellements prononcés sur deux étages en schiste. Le style de ces deux maisons semble d’ailleurs être proche puisque les pans de bois dans les deux cas reposaient sur des étages en schiste. Est encore mentionnée la Maison Boulenc, à l’angle des rues des Images et de la Chancellerie, qui fut fortifiée, la maison du Bourreau dans les faubourgs, l’hôtel particulier rue Rouxelet. Peu nous reste cependant, quelques images éparses, et si l’on veut retrouver un semblant de l’ambiance qui régnait dans les rues, on peut alors aller se promener du côté de la rue Saint-Georges, dans les faubourgs nord. Là sont encore visibles des maisons de schiste qui devaient constituer une bonne partie de l’habitat avec les pans de bois.

Saint-Lô - La rue Torteron, qui enserre l’Enclos au sud. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) Saint-Lô - La rue Torteron, qui enserre l’Enclos au sud. (© Patrimoine Normand)

Saint-Lô - La rue Torteron, qui enserre l’Enclos au sud. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô ; Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)

Les faubourgs

Les faubourgs s’étendent aux alentours de l’Enclos, que ce soit au pied comme le faubourg Torteron ou le Neufbourg, ou sur les hauteurs environnantes comme le faubourg Saint-Georges au nord. Leurs habitants se sont implantés le long de rivières (le Torteron, la Dollée, la Vire), le long de rues (rue aboutissant à l’Enclos à l’est, rue Saint-Georges...). Le plus ancien des faubourgs est celui qui fut développé autour de l’abbaye Sainte-Croix, fondée au XIe siècle, et profitant de la route Bayeux - Saint-Lô. Séparé de l’Enclos à l’origine par les remparts, puis la citadelle, puis un fossé et un pré (le Champ de Mars) au XVIe siècle, projet avait été établi au XVIIIe siècle de réunir le Neufbourg à la ville même par la destruction de la porte du Neufbourg. Ceci ne fut réalisé en partie qu’au début du XIXe siècle avec la destruction de la citadelle. Les maisons du Neufbourg s’alignaient en bord de rue en continu, parfois séparées par une venelle uniquement. Ce faubourg était habité, au XVIIIe siècle, par des artisans, des bouchers et boulangers, des maréchaux-ferrants et des aubergistes.
 

Autre vue de la Vire, le long des quais d’Agneaux, commune limitrophe. Le pont au fond est le pont de Saint-Lô. Les berges de la Vire étaient autrefois occupées par des lavoirs, ici face au quai auquel s’arrimaient les barges. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô ; Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.) 

Autre vue de la Vire, le long des quais d’Agneaux, commune limitrophe. Le pont au fond est le pont de Saint-Lô. Les berges de la Vire étaient autrefois occupées par des lavoirs, ici face au quai auquel s’arrimaient les barges. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô ; Photo Éric Bruneval © Patrimoine Normand.)

La place du Champ de Mars, au pied de la citadelle hors l’Enclos. On aperçoit au fond l’ancien haras à gauche et l’église Sainte-Croix à droite. Le Champ de Mars est de nos jours occupé par le musée des Beaux-Arts et le Centre Culturel. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) 

La place du Champ de Mars, au pied de la citadelle hors l’Enclos. On aperçoit au fond l’ancien haras à gauche et l’église Sainte-Croix à droite. Le Champ de Mars est de nos jours occupé par le musée des Beaux-Arts et le Centre Culturel. (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)

Le faubourg du Torteron s’articule autour de la rue qui longe les remparts et la rivière, le Torteron, au sud. Les maisons, serrées, avaient conquis les remparts, s’agglutinant aux murs, les cachant presque entièrement. Ces maisons ne possédaient pas de jardin, éventuellement une petite cour au plus. La rue du Torteron, se poursuivant par le Grouais qui permettait d’accéder à l’Enclos, était encore très boueuse au XVIIIe siècle. Le faubourg se subdivisait en haut et bas Torteron autour de l’église Saint-Thomas reconstruite au XVIe siècle dans les faubourgs. En raison de la présence d’une rivière, des artisans du cuir s’y étaient installés à proximité des abattoirs, ainsi que des artisans du fer, et du bâtiment. Le quartier du Buot prolongeait le quartier du Torteron, autour des rues Falourdel, Houssin-Dumanoir (anciennement Neuve-Rue) et de Villedieu. Ces rues ont été peu touchées par les destructions de 1944 et présentent encore un visage proche de l’ancien Saint-Lô, maisons de schiste avec jardin s’alignant le long des rues. Les quartiers des Ruettes et du Bourgbuisson (ou Bourg-Bisson) le long de la Vire et au-delà du pont qui la traverse, étaient réputés être des quartiers malfamés, pau­vres et sales. Au nord, on rencontre le quartier du Mesnilcrocq, où les habitants, souvent liés au textile, s’étaient installés le long de la Dollée en dehors des zones inondables. Au-dessus, le long de la plus ancienne voie partant vers le nord, s’étaient installés d’autres habitants, profitant de la route et de la rivière, la Dollée. Autrefois à l’air libre, la Dollée se traversait par un petit pont. La proximité de la rivière fit que de nombreux artisans du textile et du cuir s’installèrent en ces lieux. Le quartier Saint-Georges, implanté sur le versant nord de la vallée de la Dollée, domine Saint-Lô et permet de bien distinguer les remparts, l’église... Les maisons serrées longent la rue, maisons de schiste anciennes, escaliers sur cour entre-aperçus par des venelles qui les séparent. Les faubourgs de Saint-Lô n’ont pas disparu avec 1944 et certains d’entre eux furent même épargnés, comme on l’a vu. L’urbanisation s’étale tout autour de l’Enclos qui surgit maintenant nettement au centre, alors qu’il était autrefois « mangé » par les habitations des faubourgs à ses pieds. Une lithographie du milieu du XIXe siècle montre bien le visage de Saint-Lô avant 1944, les places larges de l’Enclos autour desquelles s’entassaient les maisons, les lignes de toits suivant la pente au sud des remparts, les rues serrées du Neufbourg et du haut Torteron, Les haras qui ont fait la réputation de la ville, et la campagne environnante, aux portes de Saint-Lô et qui fut, depuis, largement conquise.
 

Vue cavalière de Saint-Lô. Lithographie de 1830.  (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.) 

Vue cavalière de Saint-Lô. Lithographie de 1830.  (Carte postale © Archives Départementales de la Manche, Saint-Lô.)

Les Archives départementales de la Manche
 
Comme toutes les Archives en France, les Archives départementales de la Manche sont créées pendant la Révolution sur ordre du pouvoir révolutionnaire. Les documents préservés autrefois dans les institutions supprimées par l’Etat seront dorénavant collectées par les Archives départementales qui les centraliseront. En 1795, Saint-Lô devient chef-lieu du département de la Manche et les archives conservées à Coutances sont rapatriées à Saint-Lô. Elles sont stockées à côté du bâtiment de la Préfecture, accessible rue de la Pompe.
En 1944, le bâtiment des archives brûle avec les documents qu’il renferme. Le reste des archives est alors déplacé à Coutances pour le préserver. Malheureusement, la majeure partie a disparu. Il faut alors reconstruire un bâtiment et reconstituer tant bien que mal ce qui n’est plus. Après divers immeubles, en 1953, puis en 1964, les Archives ont depuis 1998 intégré un nouvel immeuble, rue du Maréchal Juin, à côté du haras national.
« Mission des Archives départementales : collecter, contrôler, conserver et communiquer.
La collecte - Le versement des archives publiques (papier, sonores, audiovisuelles, informatiques) aux Archives départementales est obligatoire et constitue l’essentiel de la collecte. Cependant, la collecte des archives privées constitue un complément naturel et indispensable. Celle-ci prend diverses formes juridiques : l’achat, le legs, le don, le dépôt, la dation. Cette collecte est primordiale afin de suppléer les fonds détruits en 1944.
Le contrôle - Contrôler les documents consiste à estimer leur niveau d’utilité [...]
La conservation - Soumis à de multiples agressions (humidité, pollution...), les documents endommagés sont traités de façon à rester accessibles au public.
Ce qui nécessite : un atelier de restauration et de reliure, le microfilmage (actuellement 150 km de film sont réalisés), la photographie, l’informatisation, le catalogage et l’indexation, la numérisation et des magasins climatisés. »
La communication - Les Archives sont équipées d’une salle de lecture de 450 m2 de 60 places et de 20 postes de travail avec lecteurs et reproducteurs de microfilms. L’accueil du public s’effectue toute l’année, en journée continue de 9 heures à 17 heures du lundi au samedi. L’accès est gratuit.
Les Archives en chiffres : 20 km d’archives, 31 km de rayonnages, 150 km de microfilms, 35 000 cartes postales, 9 000 plaques de verre, 10 000 photographies.
Pour tous renseignements : Archives départementales, 103, rue du Maréchal-Juin, BP 540, 50010 Saint-Lô Cedex. Tél. : 02 33 75 10 10. Fax : 02 33 75 10 11. Site internet : http://www.lamanche.com
 
Bibliographie :
 
- Toustain de Billy (René), Villes de Saint-Lô et de Carentan, rééd. 1976, éditions Cultures et civilisations, Bruxelles.
- Saint-Lô, Torigni, Syndicat d’initiative de l’arrondissement de Saint-Lô, 1935.
- Lantier (Maurice), « Saint-Lô dans le crépuscule de l’Ancien Régime ». Revue départementale de la Manche, T. 30.
- « Saint-Lô, église Notre-Dame », Art de Basse-Normandie, numéro 62, 1974.
- Bertin (Philippe), Saint-Lô, Editions Ouest-France, 1999.

 
Nous remercions vivement Monsieur Hervieu, directeur des Archives départementales de la Manche, pour nous avoir aidé dans la réalisation de cet article.
 
 

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