Patrimoine normand

La teurgoule

Jeudi 31 Janvier 2008
La teurgoule

Une teurgoule de Geneviève et Raoul Achard, elle est bien crémeuse sous la peau qui s’est formée en surface. Photo prise avec une casserole normande en cuivre et une cuillère du XIXsiècle à la marque « RG ». (Photo Georges Bernage © Patrimoine Normand.)


Extrait Patrimoine Normand n°44.
Par Georges Bernage.

 
Une teurgoule vendue en portions sur le marché de Bayeux. (Photo Georges Bernage © Patrimoine Normand.)Une teurgoule vendue en portions sur le marché de Bayeux. (Photo Georges Bernage © Patrimoine Normand.)

Voici un dessert bien normand et qui, pourtant, n’est pas connu de toute la Normandie...

Ce dessert serait apparu dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Après un printemps humide, un été pluvieux avait fait perdre les récoltes. Redoutant une disette, François-Jean d’Orceau, baron de Fontette, intendant de la généralité de Caen de 1760 à 1775, fait alors venir du riz d’outre-mer. Mais personne ne connaît alors dans la région cette céréale et Fontette fait placarder des recettes pour la préparer. Ce sera entre autres la terrinée, du nom du récipient (voir encadré en fin d'article) ou teurgoule, nom exprimant l’humour normand face à ce mets souple et un peu collant à la goule… Certains disent aussi que sa longue cuisson était bien pratique pour les femmes des marins de Honfleur (autre port de l’outre-mer) qui faisaient chauffer longtemps ce mets en attendant le retour de leurs maris.

Ainsi, la base de ce plat est le riz mais aussi un autre ingrédient exotique, la cannelle, sans ou­blier le sucre. Son caractère bien normand est présent avec les deux litres de lait nécessaires à sa confection.
 

Les ingrédients
 
Pour quatre personnes :
- 150 grammes de riz.
- 2 litres de lait de ferme.
- 200 grammes de sucre.
- 1 sachet de sucre vanillé.
- 2 cuillères à café de cannelle.
 

La recette

Dans une terrine, verser le lait sur le riz, le sucre et le sucre vanillé. Puis saupoudrer deux cuillères à café de cannelle. Faire cuire ensuite quatre à cinq heures dans un four à pain. (Recette de Geneviève Achard.)

Pour ceux qui ne disposent pas de four à pain, on peut utiliser un four électrique à thermostat très doux (160°, thermostat 5), le préchauffer et cuire pendant trois heures. Attention : la qualité du lait est très importante : il faut utiliser du lait de ferme (lait cru), à défaut du lait entier qui donnera un résultat un peu moins crémeux.

Teurgoule sortant du four à bois, à la ferme de la Rivière. (Photo Georges Bernage © Patrimoine Normand.)

Teurgoule sortant du four à bois, à la ferme de la Rivière. (Photo Georges Bernage © Patrimoine Normand.)

On peut aussi trouver de la teurgoule sur les marchés, com­me celui de Bayeux, le samedi matin, et nous y avons dégusté une « part » de teurgoule ; celle-ci avait été cuite dans le four à pain de la ferme de la Rançonnière à Crépon. Plusieurs fermes vendent de la teurgoule « maison » sur ce marché.

Remerciements à Mesdames Geneviève Achard, Danielle Maudoin et Gisèle Sevestre. Dernier conseil : ne pas rajouter d’autres ingrédients. Une table connue propose une feuille de laurier !…

Il ne faut pas oublier qu’une teurgoule se déguste agréablement accompagnée de falue (voir dans notre précédent numéro).

 

La terrine
 
La teurgoule est parfois appelée aussi terrinée, du nom de son contenant. La terreine (terrine) était autrefois un important récipient de la laiterie. Très évasé, d’une contenance de six à huit litres de lait, il y était placé en attendant de pouvoir éfleurer le lait. En effet, suivant la saison, et donc plus ou moins rapidement, la fleurette (crème fine, la première montée sur le lait) était enlevée à la cuillère, entièrement et délicatement. Et c’est aussi ce récipient, cette terreine, qui est utilisé pour faire cuire la teurgoule ou … terrinée.
D’après Jean Seguin
 
Les petits «?bois » d’Armand Lepaumier illustrant les encadrés - la terrine et la «?fallue à côtes » - sont extraits de l’ouvrage de Jean Seguin.

Les petits « bois » d’Armand Lepaumier illustrant les encadrés - la terrine et la « fallue à côtes » - sont extraits de l’ouvrage de Jean Seguin.

et toujours la falue…
 
Dans notre article précédent, nous avions évoqué les variantes locales de ce dessert normand dégusté avec la teurgoule ou le Jour des Rois. Ainsi, pour la région d’Avranches, en 1934, Jean Seguin écrit : « Il en est de même de la fallue, sous cette dénomination, dans mon enfance, l’on fabriquait à Genêts une variété de brioche, en d’autres endroits elle était plus connue sous le nom de brioche coulante. Elle était longue, étroite et divisée en côtes. Au gré de l’acheteur la brioche était coupée en autant de côtes qu’il le désirait et chacune de celle-ci était vendue deux sous la pièce. Vers l’Orne, la fallue est un gâteau creux et rond au centre, fait à la campagne, en fine fleur avec œufs et un peu de beurre. On la nomme aussi fouace. » (Jean Seguin, op. cit., p. 62). Il y avait donc bien des variétés locales de recettes normandes, la plupart sont perdues pour toujours. Il n’est donc que temps de sauver ce qui peut l’être…
 

 

Pour plus de renseignements sur les usages culinaires d’il y a un siècle, on pourra se reporter à l’ouvrage de Jean Seguin, Vieux mangers, vieux parlers bas-normands, Paris, 1934.
 


Retrouvez l'article intégral dans la version papier de PATRIMOINE NORMAND (n°44, novembre-décembre 2002-janvier 2003).
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