Patrimoine normand

La Mora, navire de Guillaume le Conquerant

Jeudi 31 Janvier 2008
La Mora, navire de Guillaume le Conquerant

La Mora, navire amiral de la flotte, offert par la Mathilde à Guillaume pour aller conquérir l’Angleterre en 1066. (Tapisserie de Bayeux © Ville de Bayeux)


Thierry Georges Leprévost

Extrait Patrimoine Normand n°59
Par Thierry Georges Leprévost.

 

Le 29 septembre 1066, quelque mille bateaux débarquaient à Pevensey pour conquérir l’Angleterre. 940 ans plus tard, l’Olav Kyrre, une esnèque de type dreki construite en Norvège, refait le parcours que Guillaume de Normandie a effectué à bord du Mora.

Ils sont une douzaine qui ont choisi de tenter l’aventure proposée par Yannick Favro, le propriétaire du bateau de 11 m qui a vu le jour à Bjorkedal, près de Bergen, en 1989. On l’a baptisé Olav Kyrre, en hommage au fondateur de cette ville portuaire à la fin du XIe siècle, un fils de Harald Hardrada, ce roi de Norvège tué par l’armée anglo-saxonne le 25 septembre à la bataille de Stamford Bridge, considéré comme le dernier des grands Vikings. Bateau de taille moyenne si on le compare aux 22,50 mètres de celui de Gok-stad, l’Olav Kyrre devient le symbole de Bergen, jusqu’à son achat par Yannick Favro, alias Ragnar, en 1998, lors de la venue du bateau à Barneville-Carteret pour la fête viking du Cotentin. Ce type de navire scandinave était encore couramment utilisé au XIe siècle, ainsi que l’atteste la Tapisserie de Bayeux qui raconte la conquête de l’Angleterre. On le connaît en Normandie sous le nom générique d’esnèque. L’évocation historique est donc très crédible, même si les dimensions du Mora, navire amiral de Guillaume de Normandie, devaient dépasser celles de l’ancien emblème de Bergen, et si les occupants du Kyrre ressemblent plus à des Vikings du IXe siècle qu’à des guerriers ducaux du XIe.
 

L’intrépide équipage de l’Olav Kyrre en route vers l’Angleterre. (Photo Thierry Georges Leprévost © Patrimoine Normand) 

L’intrépide équipage de l’Olav Kyrre en route vers l’Angleterre. (Photo Thierry Georges Leprévost © Patrimoine Normand)

La plus grande expédition maritime du Moyen Âge

En juillet 1066, la flotte normande se concentre dans le vaste estuaire de la Dives : près de mille bateaux, dont la plupart construits depuis les six derniers mois. C’est le cas du Mora, offert à Guillaume par la duchesse Mathilde pour que son mari aille conquérir l’Angleterre, son héritage depuis la mort de son cousin, le roi Edouard le Confesseur, le 5 janvier de la même année. Le duc de Normandie a bien l’intention d’occuper le trône usurpé par Harold Godwinson, noble saxon et beau-frère du défunt. Le chroniqueur jersiais Wace mentionne 696 bateaux de chevaliers, auxquels il convient d’ajouter ceux qui sont destinés à transporter le matériel de guerre et le ravitaillement, soit un millier de navires en tout.
 

Guillaume de Normandie convoque le chef des charpentiers pour lui ordonner la construction des navires chargés de traverser la Manche. Les charpentiers abattent les arbres. (Tapisserie de Bayeux © Ville de Bayeux) 

Guillaume de Normandie convoque le chef des charpentiers pour lui ordonner la construction des navires chargés de traverser la Manche. Les charpentiers abattent les arbres. (Tapisserie de Bayeux © Ville de Bayeux)

Le 12 septembre, la flotte appareille peu avant l’aube et cingle vers Saint-Valery-sur-Somme, en Vimeu, un fief vassal du duché de Normandie. Il s’ensuit une longue attente, celle de vents meilleurs, et celle du souffle de l’Histoire. Celui-ci se manifeste enfin le 28 septembre, quand le service de renseignements de Guillaume lui apprend le débarquement en Yorkshire d’une armée d’invasion norvégienne menée par son roi Harald Hardrada. Un premier front est ouvert, dont Guillaume va profiter. Il prend la mer en fin d’après-midi, porté par le courant du jusant. Direction : la baie de Pevensey, dans le Sussex, proche d’abbayes amies de la Normandie, ainsi que de la ville et du port de Hastings.

À l’aube du 29 septembre, jour de la Saint Michel, patron de la Normandie, le débarquement a lieu comme prévu, sans opposition de la part des Saxons. L’armée de Guillaume s’achemine vers le château de Hastings en contournant Pevensey Bay. Elle vaincra celle de Harold 12 kilomètres plus au nord, au lieudit Le Pommier chenu, sur la lande de Senlac, au soir du 14 octobre, après une entière journée de combats acharnés. L’Histoire a retenu la victoire normande sous le nom de Bataille de Hastings.

 

Le skipper Yannick Favro s’est mis dans la peau du meilleur marin de Barfleur, Etienne Airard, qui a piloté le Mora jusqu’à Pevensey Bay. (Photo Thierry Georges Leprévost © Patrimoine Normand)
Le skipper Yannick Favro s’est mis dans la peau du meilleur marin de Barfleur, Etienne Airard, qui a piloté le Mora jusqu’à Pevensey Bay. (Photo Thierry Georges Leprévost © Patrimoine Normand)

Un vibrant hommage aux ancêtres normands

Le bateau quitte le port de Dives-sur-Mer, devenu Port-Guillaume, lui aussi peu avant l’aube, mais celle du 4 juillet ; une avance sur le calendrier réel qui s’explique par des soucis de conditions météorologiques, de grandes vacances… et de fêtes locales !

En effet, l’équipage de l’Olav Kyrre navigue, à l’aviron, à la voile et dans des costumes historiques, d’abord jusqu’à Fécamp qui l’accueille toute la journée du 5, puis jusqu’à Saint-Valery-sur-Somme où il demeure les 8 et 9 juillet, à l’occasion des fêtes médiévales qui célèbrent chaque année le départ de la flotte. Pas moins de 28 heures de navigation en tout, dont trois seulement à la voile ! Autant dire que les marins volontaires se sont d’abord mués en rameurs. Il quitte le port du Vimeu le 10 vers midi, sous les acclamations de nombreux curieux, pour la traversée du Chenal, ainsi qu’on appelait alors la Manche. Il touche la rive opposée après une nuit entière de traversée et son équipage bivouaque dans la vaste enceinte médiévale du château de Pevensey. Le lendemain, la troupe en armes parcourt à pied les 40 kilomètres qui la séparent de Battle, via Hastings, avant de prendre à regret le chemin du retour.

Ce voyage est une première : il n’avait encore jamais été tenté dans les conditions de l’époque. Comment décrire l’émotion qui étreint public et participants de cette expédition maritime unique ? Se placer dans les pas des compagnons de Guillaume, dans le sillage de leurs navires, peut-on imaginer plus vibrant hommage aux vainqueurs de l’Angle...

 

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