Patrimoine normand

Rouen : Henri Le Secq des Tournelles et son musée

Samedi 12 Janvier 2008
Rouen : Henri Le Secq des Tournelles et son musée
Le musée Le Secq des Tournelles dans l'église Saint-Laurent, à Rouen (© Touf - Creative Commons)

Extrait Patrimoine Normand n°12.
Par Gilles Grandjean
(conservateur du musée Le Secq des Tournelles)
.

 

Installé dans l'église Saint-Laurent, ce musée est unique au monde par l'abondance et la qualité exceptionnelle des objets présentés : les chefs d'œuvre de la ferronnerie d'art.

Serrure  pince-voleur , France, XVIIIe siècle ( Musée Le Secq des Tournelles - Rouen).

Serrure « pince-voleur », France, XVIIIe siècle (© Musée Le Secq des Tournelles - Rouen).

La collection du premier musée au monde consacré à la ferronnerie est l'œuvre de deux personnalités hors du commun, Jean-Louis Henri (communément appelé Henri) Le Secq Destournelles (1818-1882) et son fils Henri le Secq des Tournelles (1854-1927).

 

Un père pionnier de la photographie

Bien avant de commencer sa collection, Henri le père, peintre de formation, s'était passionné pour les débuts de la photographie dont il ne tarda à devenir un des premiers maîtres. Vers 1850, il s'associa aux travaux de la première association photographique, la Société héliographique, et en 1851, l'Administration des Beaux-Arts le chargea, avec cinq autres artistes, d'une campagne de photographique que l'on appela plus tard Mission héliographique. Il s'agissait de sillonner la France pour la photographier, nous dirions aujourd'hui pour documenter, les monuments du passé ; Le Secq explora le nord-est. Mais il était avant tout parisien, habitant quai de Béthune, et il ne pouvait rester insensible aux destructions causées par les aménagements urbains de la capitale : des rues entières du vieux Paris disparaissaient avec leurs églises, leurs hôtels et toutes ces maisons qui étaient pour lui comme pour son aîné Balzac, l'âme de la cité. Les vues de Paris sont parmi les mieux réussies de Le Secq ; beaucoup ont été prises pendant les travaux ordonnés par Jean-Jacques Berger, le prédécesseur du baron Haussmann, entre 1849 et 1853.

 

Les débuts de la collection

Il est probable que l'intérêt de Le Secq pour les œuvres de fer se développa pendant ses photographies, au contact des épaves qu'il pouvait rencontrer. La beauté de ces ouvrages anciens et négligés ne pouvait pas échapper à l'artiste, ni les jeux contrastés de la lumière sur le métal, laisser insensible l'œil du photographe.

Le Secq collectionnait déjà les gravures anciennes, et l'on notera chez ce pionnier de la photographie cet intérêt recurent pour le noir et blanc. L'aisance matérielle de la famille Le Secq favorisa l'ébauche, à partir de 1862 de cette nouvelle collection d'autant qu'à cette époque, le Second Empire, et la décennie qui suit, peu d'amateurs recherchaient les pièces de ferronnerie qui pouvaient être acquises à bon compte.

Les cadet des trois fils de Le Secq, lui aussi prénommé Henri, après une rapide et peu concluante carrière notariale, préféra suivre son père pour le seconder dans ses recherches. Le père et le fils ne mirent qu'une limite à leur insatiable quête : l'excellence que devait posséder toute nouvelle acquisition pour qu'il n'entrât plus que des chefs-d'œuvre quai des Béthune. Progressivement les pièces imparfaites ou douteuses furent revendues et c'est donc une admirable collection que laissa Le Secq à sa mort en 1882. Les collections, de gravures et de ferronnerie ne furent pas divisées entre ses deux fils survivants qui reçurent chacun 325 000 F ; Gustave, l'aîné, reçut en outre les estampes et Henri devint le maître de la collection de ferronnerie dont les mérites étaient déjà connus des amateurs.

 

Henri Le Secq des Tournelles, vers 1920 (coll. Patrimoine Normand).
Henri Le Secq des Tournelles, vers 1920 (coll. Patrimoine Normand).

La consécration de la collection

Henri Le Secq des Tournelles ne se contenta pas de la collection dont il venait d'hériter : il consacra sa vie et sa fortune à l'augmenter. Il n'existe malheureusement pas d'archives permettant de distinguer, dans la plupart des cas, les acquisitions de l'un et de l'autre et surtout de connaître la provenance des œuvres en dehors des informations que Le Secq voulut bien donner à Henry René d'Allemagne qui fut, au début du XXe siècle, l'historien le plus important de la ferronnerie et travailla beaucoup à partir de la collection Le Secq ; on lui doit notamment le catalogue de la collection en 1924.

Lors de l'Exposition universelle de 1900, Le Secq prêta la quasi totalité de ses trésors qui furent alors révélés à un large public. La prise de conscience de l'importance et de l'intérêt de ce patrimoine eut aussi pour conséquence, moins heureuse, de faire singulièrement augmenter la valeur marchande de la ferronnerie ancienne de qualité. La fortune de Le Secq se trouva sérieusement mise à mal par ses achat incessants, aussi lui fallut-il restreindre son train de vie et particulièrement l'ampleur de son habitation ; que l'on considère qu'il dépensa 100 000 francs or pour la rampe somptueuse de l'escalier du château de Bellevue ! A la clôture de L'Exposition de 1900, la proposition du Musée des Arts décoratifs d'accueillir sa collection fut acceptée avec empressement par Le Secq. Durant les vingt années qui suivirent, une grande partie des pièces fut présentées dans une vaste salle du Pavillon de Marsan et ce qui n'avait pu l'être fut stocké dans les réserves de la rue Rivoli.
 

Monsieur deS tOurnelles à ROuen

En 1912, Le Secq, qui prêtait à sa famille des origines parlementaires normandes et qui avait modifié l'orthographe de son nom, proposa au conservateur du Musée d'Art normand de Rouen, les pièces d'origine normande qui n'avaient pas pris place au Pavillon de Marsan. Le Musée d'Art normande, inaugurée en 1911, pour les célébrations du Millénaires de la Normandie, dans l'ancienne église Saint-Laurent, avait une vocation régionale ; son conservateur, Henri Paulme, reçut avec enthousiasme la généreuse et si opportune proposition. Les nouvelles acquisitions aboutirent désormais à l'église Saint-Laurent où le nombre de vitrines consacrées à la ferronnerie augmentait régulièrement. Les témoignages sur Henri Le Secq des Tournelles le présentent à cette époque comme un « Cousin Pons », absorbés par sa quête continue, parcourant les marchés aux puces, les brocantes mais aussi les gran...

 

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Retrouvez l'article intégral dans la version papier de PATRIMOINE NORMAND (n°12, décembre 1996).
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