Patrimoine normand

Sur les traces des Vikings en Normandie

Jeudi 31 Janvier 2008
Sur les traces des Vikings en Normandie

Sur les traces des Vikings en Normandie. (Photo Erik Groult © Patrimoine Normand)


Georges Bernage

Extrait Patrimoine Normand n°61
Par Georges Bernage.
 
Bayeux, place de Gaulle, statue de Poppa par Decorchemont. Fille du comte du Bessin Bérenger, elle fut la concubine de Rollon et mère de Guillaume Longue Epée. C’est de cette Bayeusaine qu’est issue la lignée des ducs de Normandie et rois d’Angleterre. Sa statue se dresse au milieu de ce qui fut la cour de l’ancien château où elle vivait à la fin du VIIIe siècle. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)
Bayeux, place de Gaulle, statue de Poppa par Decorchemont. Fille du comte du Bessin Bérenger, elle fut la concubine de Rollon et mère de Guillaume Longue Epée. C’est de cette Bayeusaine qu’est issue la lignée des ducs de Normandie et rois d’Angleterre. Sa statue se dresse au milieu de ce qui fut la cour de l’ancien château où elle vivait à la fin du VIIIe siècle. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)

Une grande exposition intitulée « Sur les traces vikings » se tenant à Bayeux est un évènement dans les relations normano-scandinaves qui redeviennent de plus en plus actives. Partons sur les traces des Vikings en Normandie.

Bayeux, grand pôle de patrimoine, et de tourisme en Normandie, épargnée par les terribles destructions de 1944, joue un rôle important dans l’histoire de la Normandie. Comme toute la Normandie centrale, Bayeux et le Bessin sont rattachés en 924 au comté de Rouen noyau de la future Normandie concédée en 911 à Rolf le Marcheur (Göngu Hrolf) ou Rollon pour les Francs. Plus tard, les Normands l’appelleront « Rou ».

Suivons quelque peu ce « père fondateur » de la Normandie car c’est à Bayeux qu’il fut amoureux. À Saint-Clair-sur-Epte, le roi des Francs, Charles le Simple lui avait donné sa fille Gisèle en mariage, mais ce n’est qu’une union politique. Probablement de la famille des Jarls de Möre (ouest de la Norvège), Rolf avait séjourné dans les colonies scandinaves d’Angleterre où il avait recruté une bande constituée probablement de Danois, d’An­glais et d’Anglo-Scandinaves, alors que les Danois venaient de conquérir (en 875) le nord-est de l’Angleterre. D’après l’histoire Dudon de Saint-Quentin, qui écrivit une « Histoire des Normands » au tout début du XIe siècle, donc un siècle après les opérations menées par Rollon1, celui-ci s’installe à l’embouchure de la Seine dès 876. De là, il mène des raids. Ce serait lors dès cette fin du IXe siècle que ces actions l’auraient mené à Ba­yeux, cité protégée par une puissante enceinte gallo-romaine. Malgré les remparts, il s’empare de la ville et il s’y unit à Popa, la fille du comte Bérenger (Berngar). D’après l’historien Guillaume de Jumièges, cette union est more danico (« à la danoise »), selon l’usage païen et sans consécration religieuse ; l’église considérait cette union comme du concubinage. Cependant, cette première « épouse » fut celle qu’il aima ; elle lui donna deux enfants, un fils qui sera le futur Guillaume Longue épée (qui ne serait né qu’en 918) et une fille Gerloc, dont le nom est norvégien (Geirlaug) ce qui confirme l’origine norvégienne de Rollon. Ainsi, c’est d’une Bajocasse qui est issue la dynastie des ducs de Normandie et rois d’Angleterre ! Nous verrons le rôle joué par cette cité normande dans l’éducation du petit-fils de Rollon.

Cette statue de Rollon fut érigée à Rouen en 911 lors des cérémonies du millénaire de la Normandie. Outre ce monument, l’iconographie médiévale concernant Rollon est quasi inexistante. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)

Cette statue de Rollon fut érigée à Rouen en 911 lors des cérémonies du millénaire de la Normandie. Outre ce monument, l’iconographie médiévale concernant Rollon est quasi inexistante. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)

Rollon mènera des raids pendant une trentaine d’années : il prend la cité d’Évreux, va jusqu’en Bourgogne, échoue devant Char­tres en 910. Cet échec le poussera, de toute évidence, à accepter les propositions du roi Charles le Simple. Ce dernier accorde le comté de Rouen, « en alleu et en propriété » (in alodo et in fundo), pour « la protection du royaume ». Rollon et ses troupes étaient déjà installés dans la région de Rouen et la Basse-Seine ; le roi ne faisait qu’entériner la situation mais il la retournait à son profit en faisant de ce chef d’armée un vassal qui allait désormais empêcher d’autres groupes de Vi­­kings de pénétrer vers Paris par l’axe de la Basse-Seine. Rollon bénéficie aussi de bonnes conditions car il a reçu sa terre en toute « propriété », ce qui donnera un statut privilégié à la future Normandie lui permettant de devenir un duché puissant.

Le passé viking semble alors relégué en arrière-plan car Rollon doit accepter de se faire baptiser en 912, sous le nom de Robert. Les hommes de son armée se font aussi baptiser comme leur chef. Cependant, d’après Dudon, Rollon serait redevenu païen vers la fin de sa vie et les compagnons de Göngu Hrolf ne sont que la première vague des Vikings qui vont s’installer en Normandie.

Cette carte, conçue par Georges Bernage et réalisée par la revue Heimdal il y a une trentaine d’années, montre l’implantation scandinave en Normandie d’après l’étude des noms de lieux. La ligne Joret portée sur cette carte montre que l’essentiel des établissements scandinaves se trouve dans le secteur linguistique « normanisant ». On remarque deux pôles de l’implantation scandinave : la Basse-Seine (Pays de Caux, Roumois, nord de l’Evrecin), et Cotentin. On trouve un autre secteur de forte implantation sur toute la côte du Calvados et plus particulièrement sur la partie nord du Pays d’Auge, dans la vallée de la Dive, dans l’ouest de la Plaine de Caen et dans le sud-est du Bessin. (© Patrimoine Normand)

Cette carte, conçue par Georges Bernage et réalisée par la revue Heimdal il y a une trentaine d’années, montre l’implantation scandinave en Normandie d’après l’étude des noms de lieux. La ligne Joret portée sur cette carte montre que l’essentiel des établissements scandinaves se trouve dans le secteur linguistique « normanisant ». On remarque deux pôles de l’implantation scandinave : la Basse-Seine (Pays de Caux, Roumois, nord de l’Evrecin), et Cotentin. On trouve un autre secteur de forte implantation sur toute la côte du Calvados et plus particulièrement sur la partie nord du Pays d’Auge, dans la vallée de la Dive, dans l’ouest de la Plaine de Caen et dans le sud-est du Bessin. (© Patrimoine Normand)

Carte montrant la formation de la Normandie à partir du comté de Rouen. (© Patrimoine Normand)

Carte montrant la formation de la Normandie à partir du comté de Rouen. (© Patrimoine Normand)

En 924, le comté de Rouen (évêchés de Rouen et d’Évreux) s’agrandit de la partie centrale de l’ancienne Neustrie, les évêchés de Lisieux, Sées et Bayeux. Rollon décède vers 932-933 alors que la partie occidentale de l’ancienne Neustrie est reprise aux Bretons. Ainsi, en 933, alors que Guillaume Longue-Épée, fils de Popa, succède à son père, il n’a que quinze ans, et la Normandie, qui est alors qualifiée de « comté de Rouen », a quasiment atteint ses frontières historiques. Il épouse Liutgarde, une princesse d’origine carolingienne qui est fille d’Herbert II de Vermandois. Mais l’agrandissement du « comté de Rouen » vers l’ouest a intégré d’autres groupes de Vikings installés dans ces territoires qui n’ont pas été baptisés comme les membres de l’armée de Rollon. L’origine des Scandinaves installés dans ce régions n’est pas toujours la même que celle de ceux de la Basse-Seine. Dans la Basse-Seine, ce sont essentiellement des Danois ou des An­glo-Danois, venus pour beaucoup du Danelaw, du nord-est de l’Angleterre. Dans l’ouest et en particulier dans la Presqu’île du Cotentin, des Norvégiens, venus par l’Irlande, accompagnés d’auxiliaires Irlandais ou Iro-Norvégiens, se sont aussi installés, à côté de Danois et d’Anglo-Danois, dans ce territoire facilement accessible depuis l’Irlande. Tout ceci est parfaitement attesté par la toponymie qui nous rappelle l’installation de com...

 

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1) Voir François Neveux, La Normandie, des ducs aux rois (Xe-XIIe siècle), Éditions Ouest France, 1998, pages 29 à 33.
 

 

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