Patrimoine normand

Châteaux et manoirs du sud de la Hague, vus du ciel

Lundi 14 Janvier 2008
Châteaux et manoirs du sud de la Hague, vus du ciel

Le château de Flamanville présente les vestiges d'un grand château fort, surtout au niveau des communs et un beau corps de logis d'époque Louis XIV. (© Yvonnick Guéret)


Extrait Patrimoine Normand n°14.
Par Jean de Longaunay.

 

Rudes et austères les manoirs du sud de la Hague ont gardé pour la plupart leur caractère du XVIe siècle. Nous les découvrons depuis le ciel.

Aérodrome de Lessay en place droite de son ultra-léger Guépard 9-12, Yvonnick Guéret se prépare à survoler le Cotentin et à réaliser de nouvelles photos de châteaux et manoirs normands. Breton d'origine, il a vécu entre mer et cieux et s'est fixé dans le sud-Hague où il est à l'aise au milieu du granit. Capitaine au long-cours, il enseigne ensuite la navigation en chambre avant d'emmener des touristes à la découverte des îles anglo-normandes à la barre de son ketch de vingt mètres, le « Don Bosco », il y a de cela un quart de siècle. Le départ se fait alors le vendredi de Cherbourg, et ce sont les Sorlingues au printemps ou les Sporades du Nord en été. Amoureux de la mer, il trouve encore le temps de vivre sur l'île de Sercq. Excellent photographe, ce sera l'origine d'un très beau livre sur cette île qu'il co-signe en 1973. Il a ensuite un commandement sur les ferries trans-Manche, mais l'amour de la photo, à l'occasion d'un concours, le mène, avec sa femme Gabrielle, jusqu'au manoir de Cléville qui est alors dans un bien triste état, c'est le coup de foudre. Si le prix d'achat est modique, la restauration engloutira tous ses efforts financiers. La vente du « Don Bosco » y contribuera et le marin, pour faire face à cette charge devient « fermier de la mer », à la tête d'une entreprise ostréicole. Ses huîtres sont réputées. Les années ont passé, le manoir est en grande partie restauré et Yvonnick Guéret partage son temps entre la fabrication de règles-rapporteur de navigation et l'une de ses passions, l'aviation. Lecteur passionné des « 120 châteaux et manoirs en Cotentin » et de la revue Patrimoine Normand il s'attache à photographier depuis le ciel châteaux et manoirs de Cotentin et du Bessin. Profondément attaché à notre région, il nous la fait découvrir par les photos de Bricquebec que nous avions admirées dans le précédent numéro et par toutes celles qui illustrent cet article.
 

Yvonnick Géret (photographe) et son pilote Jean Leterrier (© Patrimoine Normand) (© Patrimoine Normand). 

Yvonnick Géret (photographe) et son pilote Jean Leterrier. (© Patrimoine Normand)

Manoir de Cléville : le logis et l'échauguette à l'angle sud-est.?(© Yvonnick Guéret) 

Manoir de Cléville : le logis et l'échauguette à l'angle sud-est. (© Yvonnick Guéret)

Le Rozel, manoir de Cléville

À tout seigneur tout honneur, nous commencerons cette promenade par Cléville. Le manoir, situé à trois kilomètres au sud des Pieux, forme un quadrilatère autour d'une cour fermée. Son caractère défensif est encore évident, on est accueilli à l'angle sud-est par une échauguette dont l'embrasure de tir du premier niveau prend en enfilade tout le chemin creux et l'entrée du manoir. Celles du second niveau balaient la totalité du plateau bordant le chemin creux. Des meurtrières maintenant bouchées sont aussi visibles dans les communs, une gaine de tir contrôle la face est, enfin la tour d'escalier du logis contient aussi une embrasure oblique de tir bien originale.

Le manoir de Cléville fut reconstruit à la fin du XVe et au début du XVIe siècles par la famille Anquetil (« d'argent à 3 feuilles de chêne de sinople, 2 et 1 ») attestée en Cotentin dès le XIIIe siècle alors qu'elle possédait le fief Aubert-Lhermitte à Tourlaville. En 1523, Renault Anquetil, écuyer, est seigneur de Cléville. Le 29 novembre 1525, Jacqueline d'Estouteville, baronne de Bricquebec, lui accorde des droits d'usage dans les forêts de la baronnie de Bricquebec « pour la chauffe ordinaire, réparations et entretien des maisons de ladite terre de Cléville ». Cette cession peut correspondre à la campagne de reconstruction. En 1548, le seigneur est Robert Anquetil. Le 15 juillet 1554, celui-ci vend Cléville à Pierre Le Sauvage. Puis la sieurie passe aux mains de Louis d'Hurtebie, vicomte de Valognes. Gilles de Gouberville rendra visite au sieur d'Hurtebie à Cléville, le 14 avril 1559. Charles d'Hurtebie succèdera à son père et épousera Catherine de Ravalet, sans postérité. Mais, par arrêt du 20 mars 1577, René Le Sauvage (fils de Pierre), seigneur de Pierreville, Vauville, Vaux, Cléville, Bunehou et Saint-Germain-le-Gaillard reprend possession du domaine. Pierre, son arrière petit-fils vend Cléville, le 3 décembre 1705, à Gilles-Gabriel du Tertre. L'un de ses descendants, Pierre-Charles-Bernardin du Tertre revend, pour 74 500 livres, « le fief, terres et seigneurie de Cléville » à son cousin Hervé IV du Hecquet, le 3 février 1783. Sa fille, Elisabeth-Henriette-Hyacinthe , veuve de Jean-René Marin de Loeuvre de Querqueville vend, le 15 juillet 1817, sa terre de Cléville (80 hectares) à Jacques Mabire et aux frères Hairon, chacun pour un tiers, pour 55 000 F. Les descendants des Hairon vendront Cléville à Jérôme-Frédéric Bignon, châtelain du Rozel. Cléville sera revendu en 1884 et passera en diverses mains jusqu'en 1974 où le manoir sera acquis par Yvonnick et Gabrielle Guéret, à l'exception de la ferme. Ils recevront en 1987 le « prix de sauvegarde des vieilles Maisons Françaises » pour leur remarquable restauration.

Le logis est très beau avec l'alternance des gros blocs de granit vert de Flamanville avec des lames de schiste bleu-vert, avec sa fenêtre à meneau simple près de la porte, reconstruit probablement vers 1525 par Renault Anquetil. Une autre tour, ronde et tronquée, se dresse dans l'autre angle de la cour, au sud-est. La puissance des gros blocs de granit et la présence d'éléments défensifs encore en place contribuent à donner une impression de force à ce beau manoir. Ouvert seulement pour la journée du patrimoine.
 

Le château du Rosel montre d'importants restes de défense et aurait été fortement endommagé à la Révolution et reconstruit peu après. (© Yvonnick Guéret) 

Le château du Rosel montre d'importants restes de défense et aurait été fortement endommagé à la Révolution et reconstruit peu après. (© Yvonnick Guéret)

Le Rozel, le château

Depuis la route menant de Surtainville à Flamanville, on aperçoit tout d'abord une tour élancée surmontée d'un belvédère dont le petit appreil a été souligné de joints un peu trop blancs – l'habituelle chaux eut été préférable. Il s'agit là d'un ensemble fortifié qui a subi d'importantes modifications. L'entrée est encadrée de deux tours : celle dont nous avons parlé et une autre tronquée et couronnées de merlons de fantaisie et qui choquent. Dans le prolongement, on aperçoit les vestiges d'une tour disparue (près des volets bleus sur la photo). A l'arrière du logis se dresse une belle tour ronde. Entre celui-ci et des communs se trouve une construction parée de merlons de fantaisie. La partie nord du logis possède encore la structure des XVe et XVIe siècles comme les tours.

Le Rosel aurait été fondé vers l'an 1000 par les Bertrand barons de Bricquebec (voir n° 13 de Patrimoine Normand). Une charte de Guillaume le Conquérant datée de 1077, évoque un Hugues du Rosel puis le Cartulaire de Saint-Sauveur, un Robert du Rosel. Au XVIe siècle, le manoir du Rosel appartient à la famille des Moitiers qui dut reconstruire les tours que nous voyons encore. En 1570, le domaine est légué par Marie des Moitiers à Jean Ier de Ravalet, abbé de Hambye. A sa mort, il laisse le Rosel à son neveu, Jean II de Ravalet (fils de Jacques de Ravalet, seigneur de Tourlaville). Il épouse Madeleine de Hennot et leur fils, Jean III de Ravalet meurt célibataire en juin 1653 et lègue le Rosel à son frère Philippe, qui n'a pas d'enfant. Son neveu Louis de Hennot hérite du manoir qui entre dans cette famille annoblie en 1481 (ils portaient : « de gueules à trois étoiles d'argent 2 et 1, accompagnées d'un croissant de même en abyme ». Puis, un siècle plus tard, Marie-Bernardine de Hennot , dame de Barneville, Ecausseville et du Ro­zel, épouse en 1764 Jérôme-Frédéric Bignon issu d'une ville famille parlementaire parisienne. Leur fils, Armand-Jérôme (1769-1847) sera bibliothécaire du roi (comme son père), membre de l'Académie Française. Il émigre, ses biens sont pillés et le manoir est en partie détruit. Jean Barbaroux pensait que le Manoir avait été en partie reconstruit au XVIIIe siècle surtout en ce qui concerne la maison manable (le logis). En fait, il s'agirait plutôt d'une reconstruction au début du XIXe siècle après les dégâts de la Révolution. Au retour de l'émigration, Armand-Jérôme Bignon rentre dans les biens, répare le manoir et devient maire du Rozel où il meurt en 1847, il est enterré dans le cimetière. Son fils, Jérôme-Frédéric (1799-1877) est officier sous la Restauration puis se retire au Rozel où il devient maire et décède au château. Il lègua quel­ques toiles de sa collection au musée de Cherbourg. Son fils meurt sans postérité. Le château passe au Montfort de Contivron par sa fille, Marie-Augustine. Sa petite-fille, Thérèse de Courtivron a épousé le comte Jean de Gourcy le 10 juin 1920 amenant le Rosel dans cette famille.
 

Le Manoir du But, au sud des Pieux, est établi sur un éperon dominant un étang alimenté par le petit cours d'eau du But.  (© Yvonnick Guéret) 

Le Manoir du But, au sud des Pieux, est établi sur un éperon dominant un étang alimenté par le petit cours d'eau du But. (© Yvonnick Guéret)

Saint-Germain-le-Gaillard, le Manoir du But

Ce manoir, dont le nom est probablement d'origine scandinave (budh, en vieux scandinave signifie la « cabane », la « baraque »), est singulièrement implanté. Il domine de manière très favorable la vallée marécageuse (où se trouve maintenant un étang) qui est à ses pieds mais il est à son tour dominé par une colline. Peut-être était-il à l'origine défendu de ce côté par une motte et une enceinte disparues. Les bâtiments actuels, qui remontent au XVIe siècle, forment une sorte de coin, épousant la forme de l'éperon, au-dessus de la vallée du But. Les parties basses s'accrochent à la pente et sont ainsi en dessous du niveau de la cour. Une grosse tour ronde est à l'angle du grand bâtiment droit renforcé par des contreforts, face à l'ouest, et des bâtiments en arc ce cercle. Une tour ronde, plus petite, est implantée dans ce dernier ensemble. On peut l'apercevoir depuis la N 804 menant aux Pieux et la petite route qui le longe.
 

Le château de Sotteville est un très bel ensemble. (© Yvonnick Guéret) 

Le château de Sotteville est un très bel ensemble. (© Yvonnick Guéret)

Le château de Sotteville

Cette construction très imposante est établie dans un site superbe. Une grande avenue bordée d'arbres mène au château qui se dresse dans un beau vallon à proximité d'une pièce d'eau. Un porche en arc arrondi mène à la cour d'honneur dominée par une grande façade qui semble être de l'époque de Henri IV, du début du XVIIe siècle.

Sur un rez-de-chaussée assez bas, deux étages sont rythmées par de grandes fenêtres à meneaux surmontées de frontons triangulaires. Les com­bles sont éclairés de belles lucarnes. Un petit clocheton couronne le tout. Cette façade est flanquée d'un pavillon comportant un étage de plus et une tourelle d'angle du côté de la cour. De l'autre côté, et sur l'autre façade (visible sur la photo), se trouve un autre pavillon plus bas. La cour est entourée de beaux communs de la même époque. Près du grand pavillon, une chapelle médiévale serait le vestige le plus ancien conservé : un très bel ensemble.
 

La grande maison à Bricquebosc est une construction massive flanquée de deux pavillons et d'une tour ronde à l'arrière (© Yvonnick Guéret) 

La grande maison à Bricquebosc est une construction massive flanquée de deux pavillons et d'une tour ronde à l'arrière (© Yvonnick Guéret)

Bricquebosc, la Grande Maison

Dès la fin du xve siècle, la famille de Thieuville – « d'argent à deux bandes de gueules accompagnées de sept coquilles de même » – possède le manoir de « la Grande Maison » à Bricquebosc. Robert de Thieuville y habite en 1536. De cette époque date la partie centrale avec seulement un rez-de-chaussée et un étage et la grande tour ronde à l'arrière. À l'époque de Henri IV (fin du XVIe ou début du XVIIe siècle), deux gros pavillons viennent flanquer ce logis. Percés de rares fenêtres, ils sont à leur tour flanqués d'échauguettes en poivrières à leurs angles extérieurs. De jolies lucarnes Renaissance éclairent les combles. Une petite chapelle est construite dans la cour au début du XVIIe siècle.

En 1640, Nicolas de Thieuville, le seigneur du lieu, est écuyer, il est riche de 4 000 livres de rente. En 1699, des « Lettres d'union de fief » sont consenties à Charles de Thieuville, conseiller au Parlement de Rouen, sieur de Bricquebosc. Au XVIIIe siècle, des fenêtres sont ouvertes pour donner plus de lumière, d'autres sont bouchées.

C'est une demeure puissante et massive.
 

Le château de Flamanville présente les vestiges d'un grand château fort, surtout au niveau des communs et un beau corps de logis d'époque Louis XIV. (© Yvonnick Guéret) 

Le château de Flamanville présente les vestiges d'un grand château fort, surtout au niveau des communs et un beau corps de logis d'époque Louis XIV. (© Yvonnick Guéret)

Flamanville, le château

Ce château est le plus bel ornement du cap de Flamanville, le « Helgenes », et il a été heureusement restauré. C'est un vaste ensemble dont l'origine remonte au Moyen Âge. Les communs, dominant la pièce d'eau du côté nord, en attestent. Ils présentent peu d'ouvertures et sont flanqués de tours rondes – deux d'entre elles sont couronnées de merlons de fantaisie du côté nord. Côté ouest, le corps de logis est aussi flanqué d'une tour sur sa face arrière (son pendant fut édifié au XVIIe siècle) et une autre se dresse aussi à l'angle sud-est. C'était une enceinte considérable entourée de fossés en grande partie visibles et toujours en eau sur deux côtés.

Henri IV fit de Guillaume Basan, seigneur de Flamanville, un baron. Plus tard, en mars 1654, Louis XIV érige la baronnie de Flamanville en marquisat pour Hervé Basan avec les fiefs de Tréauville, Siouville, Les Pieux, Grosville, Presteville, Ippeville (à Grosville) dans sa mouvance. Hervé Basan (armoiries de cette famille : « d'azur à deux jumelles d'argent, au lion passant de même en chef, armé, lampassé, couronné d'or ») fait construire le superbe corps de logis que nous admirons flanqué de deux pavillons à double ressaut avec ses deux galeries joignant les pavillons encadrant le côté de l'entrée avec son pont dormant. Les derniers propriétaires privés étaient les Rostand. Le parc est maintenant accessible au public, ainsi que le grand parc situé de l'autre côté de la route et qui offre plusieurs circuits de promenade. Les vieux communs abritent une école d'équitation ouver...

 

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Retrouvez l'article intégral dans la version papier de PATRIMOINE NORMAND (n°14, avril-mai 1997).
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