Il y a 70 ans de cela, des dizaines de milliers d'hommes et de femmes traversaient la Manche pour monter à l'assaut de la « forteresse Europe », alors sous domination nazie. Sur les ponts des navires composant l'armada, aux commandes des avions vrombissant au-dessus des côtes normandes, parmi les soldats tombant du ciel ou courant sur les plages vers un mur de feu, une large majorité d'Américains, de Britanniques et de Canadiens, mais aussi des Polonais, des Tchécoslovaques, des Belges, des Néerlandais, des Australiens, des Français... Une « tour de Babel » volante et flottante, réunie pour restaurer la liberté sur un continent plongé dans les ténèbres.
Ces événements sanglants du printemps 1944 sont évidemment au cœur du numéro exceptionnel de Patrimoine Normand que vous tenez entre vos mains. Mais pas seulement : nous avons souhaité aller bien au-delà du Débarquement et de la terrible bataille qui s'ensuivit, pour vous proposer un panorama complet de la Normandie dans la Seconde Guerre mondiale, depuis le début des hostilités en 1939, jusqu'aux grands bombardements du Havre, au mois de septembre 1944. Nous vous invitons donc à vous engouffrer dans le sillage des blindés de Rommel, qui déferlèrent jusqu'à Cherbourg en juin 1940. Nous vous convions à partager le quotidien difficile de nos parents et de nos grands-parents, confrontés aux brimades de l'occupant, aux privations, au racisme, à la mort, toujours omniprésente. Et puis, il y a la Résistance et... la collaboration, sous toutes ses formes... Vous découvrirez les premières opérations militaires d'envergure menées par les Alliés sur le sol normand : Bruneval en février 1942 et Dieppe en août de cette même année. Nous vous emmènerons alors dans les airs et sur mer à l'attaque du Mur de l'Atlantique, puis dans le bocage bas-normand, où la conquête de chaque pouce de terrain exigea sont tribut de vies humaines. Nous regarderons enfin le déroulement des opérations à travers les yeux de la presse d'occupation, avant d'analyser dans quelles conditions furent inhumées les victimes des affrontements. Vous trouverez pour terminer plusieurs pages consacrées aux musées et aux mémoriaux.
En ces temps difficiles et incertains, il convient plus que jamais de se souvenir du sacrifice de tous ces combattants disparus, petits gars du Kentucky, du Yorkshire ou de l'Alberta, à qui la France devait auparavant paraître tellement lointaine et exotique. Il nous faut également honorer les derniers survivants, auxquels nous ne dirons jamais assez combien ils nous sont précieux. Au milieu des ruines d'une province qui fut tellement dévastée, la raison de tant de peines, de tant de souffrances et de deuils, tient en ce seul mot : Liberté ! Espérons que nous soyons désormais assez mûrs pour retenir les plus rudes leçons de notre passé.
Stéphane William Gondoin et la rédaction